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Bibliotheque Sade. Papiers de famille.
Tome I. Le règne du père (1721-1760).
Tome II. Le marquis de Sade et les siens (1761-1815)

Édition établie sous la direction de Maurice Lever


Paris, Fayard, 1993, 1995
2 volumi, cm 23.5x15, pp. 761-(9), 898-(12), brossura illustrata
Unica edizione. Volumi in ottimo stato

€ 70
1. Le règne du pére (1721-1760)



 
Le marquis de Sade n'a pas surgi soudainement à la manière d'un ange noir dans le ciel des Lumières. Il n'a rien d'un déraciné ou d'un marginal promenant son errance maudite avant de s'évanouir dans une trainée de soufre. Au rebours de ce que veut la légende, il n'a cessé de revendiquer son appartenance à une famille et à un milieu, à l'esprit de ce milieu et aux traditions de cette famille -fût-ce pour s'y opposer.
Dans la masse considérable des archives encore inédites de nos jours et détenues par ses descendants actuels, se dresse tout d'abord la correspondance du pére de Donatien, Jean-Baptiste de Sade, soldat, diplomate, poète, philosophe et libertin, dont l'influence sur le marquis constitue l'une des grandes révélations de ce premier volume des Papiers de famille.
En outre, et qu'il s'agisse de la dernière tragédie de Voltaire, dès batailles livrées par la France en Allemagne, de la mort de Montesquieu, de la disgrâce de Mme de Pompadour, de l'exil des parlements, de la détention de Diderot au donjon de Vincennes ou de la première du Devin du village, il n'est pas d'événement (politique, littéraire, artistique, social...) de quelque importance qui ne soit évoqué au long de ces pages. Sans exclure la chronique de la Cour, les potins de coulisse des théàtres, les bons mots, les anecdotes. Liaisons, aventures, galanteries, scandales petits ou grands, libelles, chansons, médisances: c'est aussi l'envers du règne de Louis XV que fait revivre ce volume, avec toute la spontanéité de témoins nullement contraints dans leur langage. Ces témoins, ils ont, entre autres, pour nom Louis XV, Frédéric le Grand, le prince de Condé, le maréchal de Richelieu, Voltaire (trois lettres inédites), d'Argenson, Choiseul, Maurepas, Maupeou, le prince d'Anhalt (frère de Catherine II de Russie), Maurice de Saxe, le maréchal de Belle-Isle, etc.
Les Papiers de famille fournissent enfin de très précieux détails inédits sur de multiples aspects de la vie du marquis lui-même, notémment sur ses années d'enfance et d'adolescence, son séjour à l'armée, ses (nombreux) projets de mariage avant d'épouser Renée-Pélagie de Montreuil. Ils nous renseignent par exemple sur les liens étroits qui l'unissaient à son père : symbiose intellectuelle, fusion affective qui jouèrent un rôle déterminant dans l'imaginaire et la sensibilité du jeune homme. Cette omniprésence du pére dans la vie et l'oeuvre de Sade, ignorée, négligée, voire contestée par les biographies qui ont précédé Maurice Lever, apparait à travers ces documents comme l'une des clefs essentielles de sa formation.

2. Le marquis de Sade et les siens (1761-1815)


 
 
Ce volume nous fait parcourir l'une des périodes les plus chargées de notre histoire. De la fin du règne de Louis XV, on passe sans trop de heurts à celui de Louis XVI, puis, par une brusque accélération, à la Révolution, au Consulat, à l'Empire. S'il occupe toujours une place éminente, Jean-Baptiste de Sade semble ne plus exister que dans son rapport à ce fils, tant chéri et si violemment rejeté, dont il ne cherche plus qu'à se défaire. De préférence par un mariage qui mettrait dans le droit chemin cette «tête allumée» qui court les filles de garnison en garnison. Des marchandages matrimoniaux, du peu d'empressement, et des premières frasques du jeune époux, on trouve ici des témoignages de première main. Bientôt l'indomptable Donatien, qui paraît se précipiter au-devant des périls, se trouve brisé dans sa course: une lettre de cachet l'expédie à Vincennes puis à la Bastille. De ses gémissements pendant treize années, nous ne percevons que des échos assourdis à travers le chuchotement de deux femmes, la mère et la fille, l'altière Présidente et la douce Pélagie, aussi soumise à sa mère qu'à son époux. La Révolution peut tempêter tant qu'elle voudra. Nul ne s'en émeut. Rien ne se passe de vraiment grave chez les Sade entre 1789 et 1795. Rien, si ce n'est la farce héroï-comico-patriotique du marquis sans-culotte.
Une nouvelle génération survient. L'an 1799 n'est pas encore achevé que les «infâmes marmots» occupent le devant de la scène. Voici Donatien Claude Armand, fils cadet du marquis, passé dans l'armée de Condé puis celle du tsar et qui épouse une cousine. Il finira notable de province. Heureusement, il y a l'aîné! Louis Marie sera toujours le préféré de son père. C'est le plus doué, le plus séduisant, le plus proche de lui, tant par la nature et la culture que par les goûts. Imaginatif, artiste, lecteur insatiable et dissipateur impénitent, il souffre de ce mal de vivre à quoi se reconnaît l'âme romantique. A défaut de comprendre le malaise filial — il est trop homme des Lumières pour cela —, le marquis en décrit les manifestations avec une frappante justesse. Il y aura entre eux des scènes violentes, mais le mépris n'y aura jamais de part (ces mésententes ne sont d'ailleurs pas sans rappeler celles de Donatien avec son propre père). Enfant du siècle porté à la rêverie mais libertin avoué, Louis Marie jette sur son entourage un regard sans complaisance: l'égoïsme de son père, la faiblesse de sa mère, la sottise de sa soeur, l'hypocrisie de son frère, la rapacité de ses oncles et tantes, tout cela fait partie de ce qu'il appelle «notre infernale famille».
Le 2 décembre 1814, lorsque Donatien s'éteint, les correspondances demeurent muettes: pas une seule lettre, pas la moindre note. N'avait-il pas souhaité que toute trace de lui disparaisse ajoutant: «Comme je me flatte que ma mémoire s'effacera de l'esprit des hommes.» Mais en cela il n'a pas été entendu.

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